... Pour parodier l'ami Paulo et son Cimetière marin. C'est vrai qu'elle nous a tous et toutes un moche jour. Tous. Toutes. Les jeunes, parfois, hélas ! les vieux, souvent ; les hommes, les femmes ; les intelligents, les crétins ; les maigres, les gros ; les bronzés, les blanchâtres ; les précautionneux, les inconscients ; les malades, les bien portants ; même les politiciens, et les religieux, et les généraux dégénérés (bien fait !), et les rois, et les reines, et les richissimes, c'est pour vous dire... Alors autant s'y faire le plus tôt possible. Autant en rire pour la conjurer, il sera toujours temps d'en pleurer...
Et quitte à en rire, pourquoi ne pas en faire un livre ? Ça ne coûte pas plus cher à la fin ; on ne meurt qu'une fois. On en passe quelques-uns en revue, histoire de bien rire gras et noir.
Le premier tiré par les pieds de la bibliothèque est de 1979. Et en même temps, il est de Christian Moncelet. Quelqu'un que le signataire de ces lignes affectionne depuis cette fin des années 1970 où les livres des deux zozos étaient colocataires dans les murs d'une librairie-restaurant du quartier Montparnasse à Paris, incongrue et maintenant disparue, nommée Patatengros. Fin de la digression. Le titre de l'ouvrage ? L'Âme hors... publié aux éditions BOF (un BOF qui veut dire Belles Originales Fofollichonnes), dirigée avec une poigne de fer par Christian Moncelet, avec comme grouillot Christian Moncelet et comme commercial Christian Moncelet.
Tout de suite, on remarque l'allure peu conventionnelle de l'ouvrage, un hexagone oblong dont on dirait, si l'on avait l'esprit mal tourné, qu'il prend la forme d'un cercueil. La couverture n'en est pas une, c'est une boîte. Ouvrons-là...
D'emblée, on est accueilli par l'autoportrait de l'auteur qui affirme : « J'étouffe là dedans ! ». Et sur un miroir, un texte à crâne, ce qui à tout prendre est mieux qu'une tête à claques. Et les pages libres du livre, vertes comme la moisissure, trapézoïdales en diable...
L'ouvrage se termine par une page noire à trou dont le trou est l'« O » du mot MOT (dernier), qui une fois la page tournée (et c'est bien la dernière fois qu'on tourne la page) donne les trois premières lettres du mot TOMBE. Quelques pelletées de terre, on rebouche avant de passer à l'ouvrage suivant.
On saute de 1979 à 1982 avec un Petit Dictionnaire à mourir de rire dont la forme nous fait furieusement penser à l'ouvrage précédent.
Les auteurs (ils sont deux) : Lionel Chrzanowski (8 consonnes pour 3 voyelles, un must à recopier sans faire de faute) et Philippe Héraclès. Des mêmes auteurs, déjà parus à l'époque, quatre ouvrages : un sur les cimetières, un sur la mort, un sur les enterrements, un sur les épitaphes. On ne tourne pas autour du pot, on est en plein dedans. Et à (dis)paraître [sic], des mêmes, un ouvrage sur les tombeaux et sépultures. Éditeur, le Cherche Midi. Pas vraiment un dictionnaire, ce livre, plutôt un recueil d'aphorismes, d'épitaphes et de bons mots.
Dans ce recueil, un court aphorisme dont le signataire de ces lignes est jaloux car il aurait bien aimé l'imaginer. Il est de Hodjviri, et date du XIe siècle : « La vie est un rêve dont la mort nous réveille. ». Donc, on ne s'endort pas, et on passe au troisième volume, beaucoup plus récent et beaucoup plus confidentiel. Sa forme nous a, d'un seul coup, quelque chose de familier, comme un soupçon de presque déjà vu.
Plus petit que les deux autres aussi, qui font 24 cm de haut, lui n'en fait que 17 et des poussières...
Il nous vient de 2009. Il a été conçu et réalisé par Laureline Harm au sein du LEG d'Estienne où elle était élève et çui qui signe, professeur ; sur un poème macabre de Jacques Roubaud intitulé en bon français : The Entrance.
Un peu de technique, on n'en a pas donné beaucoup jusqu'à présent. Dessin de couverture en lithographie, lettrines et dessins intérieurs en sérigraphie à l'encre argent, texte en typographie au plomb composé à la main, imprimé lui aussi à l'aide d'une encre argent. Le tout sur papier noir, comme il se doit.
Maintenant ça y est... on entend les bourdonnements et les persiflages... « Oui, bon, on y vient... il nous a présenté ces trois bouquins... il va nous annoncer qu'il en a fait un lui aussi, avec la même forme. » Non, il ne va pas l'annoncer, parce qu'il n'en a pas fait un comme ça. Mais il en a fait un sur le même thème, c'est vrai. Il n'a pas repris la forme parce que lorsqu'il a imaginé le sien, il possédait déjà les deux premiers dans sa bibliothèque et que ce n'est pas son truc de plagier les autres. Soit dit en passant, aucune des personnes qui ont conçu ces trois livres ne connaissaient l'existence des deux autres livres. Ce qui est excessivement facile pour le premier en date, et excessivement vrai pour les deux autres. Même si, par la suite, Christian Moncelet est devenu auteur au Cherche Midi.
Le livre de Fornax date de 2007, deux ans avant celui de Laureline. Son auteur s'appelle Yves Letort, sa talentueuse illustratrice, Marion Pradier. Et si son titre est Petit Semainier mortifère, c'est parce qu'il contient sept aphorismes de fort mauvais goût sur ou autour de la mort. Un pour chaque jour de la semaine, à se répéter en boucle jusqu'au jour de la rencontre avec la Camarde.
Il fait 8 cm de large sur 10 de haut et tente de résoudre le petit problème suivant : comment faire rentrer une gravure de 50 cm de long dans un livre de 8 cm de large ? La solution (et un exemple du mauvais goût de l'auteur) est montrée ci-dessous.
Tout déplié, il prend une allure de chevelure ébouriffée, ce qui réjouit fort son créateur, et tant pis si ça ne réjouit que lui...
Encore un peu de technique pour terminer : coloration du papier de la jaquette de couverture à l'éponge, à l'aide d'une sauce d'encre noire, puis d'encre argent. Triple impression superposée du rouge, même chose pour le vert. Double impression pour le blanc. Illustrations de Marion Pradier : linogravures en taille blanche. Impression du texte en typographie au plomb, double impression à l'encre argent.
On est prié de ne pas mourir d'ennui avant la fin de la lecture de ce billet...
Document generated in 0.03 second