L’été est là et bien là avec ses cohortes de bonheurs et de malheurs. Fini le printemps doux et odorant avec ses éclosions de fleurs au sol et sur les arbres qui n’en peuvent plus d’être beaux et majestueux comme toujours, mais avec en plus une touche de délicatesse et de fragilité toute végétale. L’été est là, avec une chaleur qu’il nous assène à coups de marteau, pour bien montrer sa présence de fanfaron calorifique.
Il nous impose sa présence, et, par la même occasion, il nous oblige, nous pauvres bipèdes bien démunis, bien humbles face à lui, à changer radicalement de comportement. Nous nous dévêtons quelque peu afin de les supporter, lui et sa chaleur envahissante. Le printemps, avec gentillesse, nous avait fait ranger manteaux, doudounes et duffle-coats, nous ne gardons dorénavant que T-shirts, chemises à manches courtes, pantacourts et shorts ; chemisiers arachnéens pour les dames ainsi que jupes légères et froufroutantes. À aucun degré il nous faut accumuler la chaleur. Nos pieds mêmes pensent renaître, nus, dans tongs, sandales ou spartiates. Exit les chaussettes. Et c’est là que le bât blesse et que les bas se blessent. Ou plutôt se sentent blessés par cet abandon.
« Quoi ? on ne veut plus de nous ? Scandale ! scandale ! À bas la sandale ! Et vive les bas Scandale !» La colère gronde chez les chaussettes tant et si bien qu’elles plongent de plain-pied dans la révolte, elles sautent à pieds joints dans la mare de la contestation.
Elles décident d’une grande manifestation nationale, d’un défilé impressionnant propre à marquer les esprits pour les siècles des siècles. Une action propre à entrer dans l’histoire...
C’est dans la Vallée au blé que s’est déroulée la manif. En file indienne, elles défilèrent une par une, sur plus de deux kilomètres, décidées, serrées, revendicatives, aux cris de : « Halte à la perversion et à la nudité ! », « Cachez-nous donc ces pieds que l’on ne saurait voir ! », « Bas ! Mi-bas ! Chaussettes ! Soquettes ! Même combat !...»
Document generated in 0.01 second