Fêtons les chiffres

La typographie, ce n’est pas qu’une collection de petits bouts de plomb dont l’utilisation est avérée depuis le milieu du 15e siècle. Ce n’est pas non plus qu’une pratique numérique exercée à l’aide de fichiers qui se terminent par .ttf ou .otf ou encore, maintenant plus rare, .pfb et .pfm. Ces deux pratiques existent, certes, coexistent, certes, la seconde étant, certes, de nos jours plus répandue que la première, il faut bien l’avouer, certes, même si on le déplore un peu.

La typographie, peut aussi être représentée par l’usage d’une aiguille enfilée de fil fin et solide. Ma trouvaille brocantique du jour m’a remis le fait en mémoire, même si je ne l’avait pas totalement oublié. C’est un spécimen de chiffres à broder sur les draps ou sur les mouchoirs. Je vous parle là d’un temps où l’on prenait encore plaisir à personnaliser son linge de nuit et où l’on ne se mouchait pas dans du papier.

Maintenant, il faut que j’explique ce qu’est un chiffre pour le seul et unique lecteur inculte qui fréquente mon lieu de perdition typographique (les autres étant tous cultivés, aimables et souriants, cela va sans dire).

Un chiffre, comme son nom l’indique, est un ensemble de lettres. Le minimum est deux, mais ça peut aller jusqu’à cinq. Ces lettres assemblées ne créent pas un mot, ou alors ce serait un pur hasard, mais elles présentent les initiales d’un prénom ou d’un nom (pour une personne seule) ou bien les initiales de deux noms (pour un couple). Pour constituer un chiffre les initiales peuvent être entrelacées ou présentées de telle façon qu’optiquement elles forment un seul bloc. Voilà. J’espère avoir été suffisamment confus pour vous donner l’envie de vérifier la réalité de la chose auprès d’autres sources. C’est en diversifiant les sources que l’on se divertit tout en se cultivant.

Voilà ma trouvaille :

Comme on peut le constater, dans cette brochure, nous ne trouvons pas que des chiffres mais aussi des festons. Même si ce n’est pas totalement hors propos, les festons pouvant être assimilés aux bordures décoratives de la typo sur papier (ou numérique), on ne va pas s’intéresser à eux et les mettre de côté pour nous recentrer sur les chiffres qui sont des lettres. On va donner trois pages d’exemples. La brochure fait 52 pages couverture comprise, mais ne vous imaginez pas que j’allais vous la servir intégralement sur un plateau. Je l’ai numérisée en entier, certes, mais pour mon usage personnel uniquement, qu’est-ce que vous croyez ! Allez, hop-là, les trois pages d’exemple :

Vous remarquerez aisément si vos yeux vous servent à voir qu’il y a une véritable recherche graphique dans la forme de ces lettres, et dans la mise en page de la brochure. L’ennui, pour moi, est que tous les exemples donnés et tous les alphabets ne sont prévus que pour des chiffres à deux lettres. Ils font tintin avec leur chiffre ceux qui, comme moi, ont besoin de trois lettres. Le monde des chiffres est parfois mal fait pour les pauvres bipèdes de mon espèce !