Bob et Bobette
Oui, bien avant un certain poulpe, en 1918, à la fin d'une guerre merveilleusement massacrante, un duo de gamins plein de vie, remuant et gai, décida avec impatience de grandir sous nos yeux... en bondissant, infidèle, d'auteur en auteur. Et il ne fallu pas moins de quatre écrivains pour que leur histoire s'achève. Quatre écrivains ? Non ! Une écrivine et trois écrivains pour être plus précis. Quatre amis pour deux personnages. Quatre livres, quatre couvertures illustrées.
Allez, au premier des quatre :
Jeanne Landre, Bob et Bobette, enfants perdus, couverture de Joë M. A. Fournier, Albin Michel éditeur, février 1919.
Au deuxième :
Francis Carco, Bob et Bobette s'amusent, couverture de Chas Laborde, Albin Michel éditeur, 1919 [texte daté : juin 1918].
Au troisième :
Pierre Mac-Orlan, Bob bataillonnaire, couverture de Gus Bofa, Albin Michel éditeur, 1919 [texte daté : Paris, 21 juillet 1919].
Au quatrième, enfin :
André Salmon, Bob et Bobette en ménage, couverture de Ciolkowski, Albin Michel éditeur, mai 1920 [texte daté : Paris, octobre 1918-mars 1919].
Salmon inaugure son roman par une préface qui n'est pas inutile du tout :
Quatre écrivains amis, unis encore par certaines formes de leur curiosité, acceptèrent la gageure d'écrire, chacun de son côté, un instant de la vie du couple : Bob et Bobette.
Lorsque nous nous mîmes au travail, Francis Carco, Pierre Mac Orlan et moi revenions de la guerre : or, Pierre Mac Orlan, pas encore rendu aux brumes dorées du Hâvre-de-Rêve où il a un jour « déclaré se retirer », devait encore servir et n'en avait pas fini de suivre la guerre. Comment s'étonner qu'il y ait mené à sa suite, jusqu'au bout ! – son Bob, notre Bob ?
Pendant ce temps, trop éloigné de mon cher Pierre Mac Orlan, vous pensez bien que je choyais mon Bob, le sien, notre Bob !
Dans les horreurs de l'Arrière, sous les gothas, je mariai Bob ; je lui fis la belle situation due en seconde ligne aux canailles inquiètes de moralités bien tournées ; bref, réformant avant la paix, j'en fis un « héros de son temps ».
C'est le désaccord dont s'étonnera, d'abord, la critique. Pourtant, Mac Orlan ou moi, devons-nous rien renier ? Tel n'est pas notre désir ; tel n'est pas le sentiment de notre éditeur ami, M. Albin Michel.
Séparés par la guerre, et dans la guerre, nous avons, mon cher Pierre, peint notre Bob ainsi que ce personnage pouvait, devait s'accomplir totalement, dans les conditions proposées à notre témoignage d'écrivains de bonne foi.
Je ne sais si tu penses là-dessus tout-à-fait comme ton vieux camarade, mon cher Pierre ; mais est-ce que « la guerre » de Bob ne nous aide pas, un peu, à prolonger nos « livres de guerre » ?
Qu'ai-je écrit ! – il faut bien que ce soit à toi !... Si le « Joyeux » affirmait devenu il est vrai, par mon artifice, homme du monde... de quel monde !) en 1917, tout ce qui demeurait interdit, au Chass'bi, en 1915 !
Notre Bob, cet homme du monde ou ce troupier par toi posé en grand'garde sur le Rhin, dirait tout cru que « c'est son affaire ! »
Puissent nos lectrices, nos belles lectrices, nos lecteurs et notre ami M. Albin Michel penser tout de même là-dessus.
Ton
André S.
Octobre 1919.
Et voilà B&B, Madame, Mademoiselle, Monsieur, Everybody de partout !
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