La bibliothèque de l'école Estienne (qui n'est pas une simple bibliothèque d'école mais bien une bibliothèque de la ville de Paris, ouverte à tous, et riche d'un fonds typographique hors du commun) vient de fermer ses portes vendredi 31 mai 2013 avec un mois d'avance par rapport aux années précédentes. Quand elle réouvrira, à la rentrée scolaire prochaine, ce ne sera plus Anouk Seng qui vous y accueillera mais une personne nouvellement nommée à son poste de bibliothécaire.
Il aura fallu vingt ans, presque jour pour jour, à Anouk Seng pour établir le catalogue complet de ce fonds, à peine ébauché à son arrivée. Utilisable en interne, ce catalogue informatisé est difficilement transposable afin d'offrir un accès Internet pour la bonne raison qu'il a été saisi sous DOS à l'aide d'un gestionnaire de bases de données propriétaire dont le développeur est une société disparue. Anouk a pu constater, hélas, qu'entre le catalogue typographié (par les élèves) de 1891 dont on n'a que les placards (a-t-il été imprimé?) et son propre catalogue quelques disparitions pouvaient être constatées : les deux volumes du manuel de typographie de Fournier le Jeune, par exemple, ainsi que la totalité des manuscrits et revues professionnelles de la collection d'Alkan aîné, offerte à l'école par ses héritiers. J'ai pu personnellement constater la disparition du Mirivis des naturgies, grand ouvrage de bibliophilie entièrement en lithographie, constitué de poèmes d'André Martel et d'illustrations de Jean Dubuffet, que j'avais vu en 1972 pour les premières portes ouvertes de l'école. Mais il reste, qu'on se rassure, encore bon nombre de trésors dans cette bibliothèque : quelques incunables, une belle collection d'impression des Estienne du XVIe siècle (nom de l'école oblige) et une quantité ébouriffante de manuels de typographie (et autres manuels techniques) et de spécimens de caractères. Je me souviens y avoir vu l'été dernier, grâce à Anouk, une impressionnante impression de Christophe Plantin, un ouvrage complet resté en feuilles d'impression non pliées. Je ne pensais pas cela trouvable.
La bibliothèque d'Estienne ne contient toutefois pas que des livres ; elle dispose de quelques objets rarissimes, reliquat (et reliques) d'un projet de musée de l'imprimerie au sein de l'école imaginé dans ses toutes premières années (les dernières du XIXe siècle). Voici l'un de ces objets, une pure et émouvante merveille : un moule à arçon fabriqué par Guillaume II Le Bé en 1604. Je puis me tromper, mais à ma connaissance, c'est le plus vieux moule à arçon au monde qu'on ait encore conservé. J'ai eu le droit de le toucher et de le photographier sous toutes les coutures (16 photos, ici). Les voici :
Le nom de Guillaume II Le Bé soit béni, en plus d'être le successeur de son père, Guillaume Ier (élève et gendre de Claude Garamont), il fut également dans son Mémoire sur l'imprimerie, le biographe du dit Garamont.
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