des noms de rues insolites
(voire stupides)
Les délibérations
Comme nous le prévoyions le 6 novembre dernier, le jury du Grand Concours international des noms de rues insolites (voire stupides) a fini par se réunir voici quelques jours dans un endroit tenu secret afin de préserver l'incognito de ses membres. L'heure était tardive, la salle bien éclairée, le personnel stylé et la table irréprochablement dressée. Les convives, tous présents, avaient tenu à être chacun accompagnés d'une courtoisie de bon aloi. Le repas fut cordial, copieux et arrosé. Sourires et soupirs fusaient emmi les souvenirs et les mouvements masticatoires. Il avait été convenu que les délibérations ne commenceraient qu'à la fin des agapes. Ainsi fut-il fait. Le président de séance, dont nous tairont le nom par bonté d'âme, fit un rapide résumé des règles du concours, donna la liste des participants et récapitula la nature de leurs envois, cependant que les jurés terminaient les bouteilles de vin et de digestif qui semaient la table. Un court silence plana entrecoupé des bruits de déglutition du président qui, n'ayant pu boire pendant sa présentation, se dépêchait de finir son verre avant qu'un autre s'en empare. Ce quasi silence fut rompu par le début d'une vive querelle entre Laucou et Soulignac, chacun traitant l'autre d'imbécile et d'inculte. L'altercation verbale et postillonnée ne tarda pas à produire du geste pour accompagner la parole. Nos deux individus, voisins de table, s'empoignèrent, glissèrent de leur chaise et roulèrent à terre en emportant avec eux quelques assiettes et les restes qu'elles contenaient dont ils enduisirent avec soin leurs vêtements. CLS voulut intervenir au moment où Laucou forçait Soulignac à avaler un os de gigot de zébu. Il fut violemment repoussé du pied par les deux combattants et se trouva projeté sur la table où il atterrit dans ce qui restait du plat de profiteroles au jambon. En tentant un rétablissement sur ses pieds, il s'agrippa à la nappe qu'il tira à lui ce qui projeta le reste de la vaisselle sur le reste des convives qui, éclaboussés des restes de la nourriture, entrèrent de reste dans la ronde en grognant à leur tour. Le juré masqué, furieux des maculatures de sa cape, sortit son épée de bois et, à grands moulinets, assomma tout ce qui passait à sa portée : convives, personnel, chiens, chats, rats, cafards, mouches... Il fut ceinturé in extremis par le webmestre de fornax.fr qui profita de l'immobilisation du forcené pour lui rabattre la cape sur la tête et le saucissonner avec le cordon d'un rideau. Le même rideau en haut duquel Laucou était grimpé et d'où il donnait d'énergiques coups de pieds à Soulignac qui avait empoigné le bas du rideau et l'agitait comme une corde à sauter verticale pour en faire tomber Laucou. Les luttes et les cris atteignaient un paroxysme achevé lorsque le maître d'hôtel fit son apparition, impassible et droit, un petit plateau de métal argenté à la main : « L'addition, Messieurs ! ». Le tumulte cessa immédiatement. Chacun sortit, qui son chéquier, qui sa carte de crédit, et paya. Ce petit monde se retrouva rapidement dehors. Le webmestre, qui venait pour la première fois, demanda : « C'est toujours pareil dans les jurys littéraires et artistiques ? » Laucou et Soulignac répondirent en chœur : « Bah oui, pourquoi ? »
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