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Des barbares...
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Fourneau and Fornax
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Typography
Amateurisme & maladresse
« Ça sert à quoi de faire les choses bien,
les gens ne font pas la différence. »
Voix de Garage à Fornax
Avoir la volonté de réaliser des livres est louable en soi. Avoir la volonté de les réaliser dans une technique traditionnelle comme la typographie au plomb, sachant que c’est plus long, plus difficile, plus hasardeux que les techniques contemporaines issues du numérique, c’est encore plus louable. Mais là où le bât blesse la vieille bête qui signe ces lignes, c’est quand cette volonté ne se double pas d'un minimum d’exigence. Exigence face à son propre travail ; exigence face à son futur lecteur.
Petite analyse sommaire d’un cadeau qui m’a été fait.
Aucune remarque au sujet du papier choisi pour la couverture. Les papiers imitation marbre ne font pas partie de mes choix esthétiques, je ne les ai jamais utilisés pour mon propre compte mais leur souple rigidité et la parfaite lisibilité de ce qu’on y a imprimé ici en font un type de papier tout-à-fait utilisable pour une couverture. Le choix d’une composition centrée est classique pour une couverture, mais quitte à verser dans le classicisme, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout et respecter l’échelle des corps traditionnelle pour une telle page, à savoir, en grandeur décroissante : le titre, le nom de l’auteur, le nom de l’éditeur. La vignette, qui est ici un pur décor et non pas la marque de l’éditeur-imprimeur comme aux temps héroïques de la savante typographie, semble être l’élément prépondérant de cette page de par sa position centrée et sa grosseur démesurée, effet renforcé par des marges de tête et de pied beaucoup trop étroites. À cet aspect peu engageant de prime abord, s’ajoute une impression baveuse et quelque peu de travers qui ne donne pas vraiment envie d’ouvrir l’opuscule. Ouvrons, toutefois.
Pas de double blanche, pas de page de faux-titre, directement la page de titre qui est une reprise, imprimée en noir de la composition de couverture. Les blocs auteur-titre d’un côté et éditeur de l’autre ont été rapprochés produisant des marges un peu plus tolérables en tête et en pied. Une impression aussi baveuse que cette de la couverture, due à un manque patent de maîtrise de l’encrage. Le « i » final du nom du destinataire de la lettre aurait pu être changé (on suppose qu’il n’y en a pas qu’un seul dans la casse et que tous les autres ne sont pas aussi abîmés). Le choix de ce Garamond italique et romain, associé au Nicolas Cochin heurte autant les yeux que le non respect de l’échelle de corps. On a l’impression d’une résurrection, dans le monde typographique, de la bataille entre les anciens et les modernes, le champ de bataille étant la page. Allez, on tourne.
On ne va pas répéter à chaque fois le manque de maîtrise de l’encrage, mais on peut, pour une première fois (on ne relèvera plus après), remarquer que les feuilles d’impression ont été empilées sans prendre la précaution d’interposer des macules entre chacune d’elles. La feuille du dessus est ainsi maculée par celle du dessous (chose visible au verso de la vignette de titre). L’empagement et la gestion du blanc tournant (page de droite) n’est pour le moins pas maîtrisé, le petit fond et le grand fond sont ridiculement trop étroits. Une vignette de style 18e siècle (fondue au 19e) pour décorer un texte milieu 20e, pourquoi pas ? Mais l’avalanche de vignettes qui vont s’étaler sans discernement dans les pages qui suivent, et cela jusqu’à la fin de l’ouvrage, donne un peu l’impression qu’on a affaire à une réflexion du type : « J’ai toutes ces vignettes, tous ces bandeaux, tous ces décors, il faut bien que je les utilise, pour qu’on sache que je les ai et pour rentabiliser mon investissement. » Ce qui ne procède pas du goût le plus sûr. Le Garamond possède toutes les ligatures utiles, et un certain nombre d’inutiles, pour faire joli. Pourquoi alors n’avoir pas mis le « double f » dans « efforts » ? On tourne.
L’utilisation des vignettes est ridicule pour illustrer un texte grave où l’auteur dit sa souffrance physique. Les marges (voir en tête), aussi mal calculées soient-elles, ne sont pas respectées, mauvais repérage ou mauvaise imposition ? On glisse (sans tomber dans l’opprobre) sur les feuilles qui coupent la première ligne, pour arriver en fin de 3e ligne à un « Vi-[vre » qui rejette une syllabe muette, ce qu’il conviendrait d’éviter, quand on le peut. On tourne.
Nous arrivons en pages centrales. Vraies doubles, donc pas de problèmes de positionnement entre elles. Mais que dire de la poignée de mains de 11 h 20 ? Guillemets anglo-saxons, c’est toléré bien qu’on aurait préféré nos bons vieux chevrons à nous. Une impression en biais qui se fout copieusement du registre. La couture au fil blanc, un peu curieuse – mais tant qu’elle lie les feuilles entre elles, rien à dire – ne concerne que l’intérieur de la brochure. La couverture est rapportée après, grâce à un collage sur la première et la dernière page, ce qui provoque une mauvaise ouverture de l’ouvrage au début et à la fin. Une meilleure solution aurait été de coudre tout ensemble, intérieur et couverture. La couture aurait été apparente mais, bien maîtrisée, elle aurait pu être un atout esthétique. Un petit remaniement du texte, page de droite, aurait pu sans grande difficulté, éliminer le « sère. » final qui constitue une authentique « ligne à la voleur », et ainsi donner un meilleur équilibre à la double page. On tourne.
Presque rien à dire. Seulement une question : Pourquoi ne pas équilibrer les deux pages en leur donnant un nombre égal de lignes ? En 2e ligne, on aurait bien aimé voir un tiret dialogue (un moins dans l’argot typo) entre « plaisir » et « mais », en lieu et place de la division. On tourne.
La vignette finale, plume et encrier, est la première à être pertinente et bien employée, dommage qu’elle ne soit pas bien encrée. L’expression ‘‘Contre St Beuve’’, même si la copie originale est écrite ainsi, aurait dû être typographiée « Contre Sainte-Beuve ». Là, on lit « saint Beuve ». En ce qui concerne la date, il aurait été préférable d’écrire : 5 mai 1958. On tourne.
Les deux vignettes, inutiles et perturbantes, cassent complètement l’harmonie de la composition. On aurait souhaité un « u » bien ordinaire dans le « du » qui suit « l’imprimerie », à la place d’un « n » la tête en bas. Le MMXXII est une afféterie elle aussi inutile, tout comme le CC. « 2022 » et « 200 » auraient été des graphies bien plus élégantes. Le « N : » entretient une confusion. Il veut certainement dire : « numéro » que l’on abrège no. Ainsi écrit on peut penser avoir affaire à l’exemplaire N, qui suit l’exemplaire M et précède l’exemplaire O dans un marquage à base de lettres. On tourne une dernière fois.
Une composition en cul-de-lampe presque bien réalisée (le « s » de « printemps » sort un peu trop, ou le « e » de « l’image », pas assez, le « e » final de vie aurait gagné à ne pas être… final. Le corps du caractère est un peu gros pour le format de la brochure. L’encrage est déplorable ; certains caractères auraient dû être changés. La vignette, très lourde, attire trop l’œil. Enfin, il ne faut pas confondre un double s long avec un double f dans « suffit ». Oui, ouf ! Ça suffit.
Le nom que l’on se choisit pour exercer son art n’est jamais innocent. Je crains fort que celui choisi par l’éditeur de ce livre ne soit une voie sans issue.
George Auriol
sur l'ultime création
de M. Pullmann
20 pages,
format 11,2 x 13 cm.
tirage à 100 exemplaires en typographie.
CLS
Un volumen,
79 cm de long, 17,5 cm de haut.
tirage à 10 exemplaires en linogravure.
Marie-Rose de France
26 petits textes en proses poétique. Vignettes de CLS.
tirage à 120 exemplaires en typographie au plomb.
Pierre Pinelli
24 pages,
format 15 x 20 cm.
tirage à 100 exemplaires en typographie au plomb.
... for those who are too lazy to seek.
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