Néo Noé
histoire d’une naissance différée

Dans les années 1980, une grande complicité m’unissait à Michel Tabanou. Nous nous montrions régulièrement, pour ne pas dire quotidiennement, nos productions respectives. C’est ainsi qu’il me mit sous les yeux deux petits cuivres carrés qu’il venait de terminer de mordre (nous nous adonnions alors tous les deux à la taille-douce après une initiation auprès de Georges Charaire). J’eus le désir immédiat d’en faire un petit livre. Et l’idée me parut plaisante d’inverser une situation courante en donnant des illustrations littéraires à des images. J’écrivis rapidement les textes. Je les soumis à Tabanou qui les accepta et je commençais à travailler au livre. Tout petit, tout mince, carré. Entièrement en taille-douce puisque les images initiales étaient dans cette technique ; unité de moyen. Je fis la maquette et je choisis les papiers : un fort vergé vert pour la couverture et de l'Arches pour l'intérieur (on m’avait donné des chutes qui convenaient fort bien à un si petit livre).

Maquette de Néo Noé (PDF)

Je me mis ensuite à la fabrication des plaques. Celles de la page de titre et de la couverture furent réalisées en premier, assez rapidement. Pour la couverture je m’occupais de tout ce qui était texte, réservant un carré à Tabanou pour qu’il y grave une vignette dans l’esprit de ses deux plaques. Dans la foulée, j’imprimais toutes les couvertures.

Couverture imprimée

Dans la foulée de la foulée, je concevais et j'imprimais la notice du catalogue qui, à cette époque, était constitué de fiches volantes.

Fiche de catalogue de Néo Noé

Dans la foulée de la foulée de la foulée, je passais illico à la réalisation des plaques de texte pour l’intérieur... je commençais par en rater une, j’en ratais deux... je décidais alors de laisser reposer un peu le projet afin d’éviter l’abrutissement ou l’énervement.

D’autres projets me tendaient les bras : infidèle, je courus m’y blottir. Et la poussière de l’oubli tomba peu à peu sur Néo Noé jusqu’à l’ensevelir. Dix ans passèrent. C’est dix fois moins que le sommeil de la Belle au bois dormant mais tout de même !...

Je retrouvais par hasard, lors d’une visite de Christine Brisset (éditions de l’Impatiente), la boîte où j’avais serré les plaques, la maquette et le tirage. J’en exhumais le contenu en sa présence. Elle regarda avec attention et me dit quelque chose du genre : « Je n’aime pas du tout les illustrations mais j’aime bien tes textes. Donne-les moi. » Et elle m’emprunta illico la maquette.

Je la revis au mois de mai suivant. Elle me tendit une enveloppe à l’intérieur de laquelle se trouvaient ma maquette et un exemplaire de son travail.

Néo Noé, version de l’Impatiente (PDF)

Vient de paraître

Et, le plus logiquement du monde, Christine avait utilisé pour cette édition les papiers chinois que nous avions trouvés ensemble quelques semaines plus tôt lors d’un périple dans les supermarchés asiatiques du 18^e arrondissement de Paris, mon quartier d’alors. Ce qui fait que je n’ai jamais utilisé les papiers chinois que j’avais acheté lors de cette même visite.

CLS
septembre 2006