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(Sur quelques titres peu courants de Rachilde)

En prélude (peut-être...)1 à la sortie probable, courant 2009, d'une version revue et corrigée de notre Bibliographie de Rachilde (t. 1, œuvres en volume, plus de 300 p.), terminée en 1994 et jamais commercialisée, ces quelques notes sur des trouvailles bibliographiques récentes ou plus anciennes.

 

L'Homme roux

C'est l'un des ouvrages réellement rares de Rachilde (Marguerite Eymery [1860-1953], Mme Alfred Vallette, dite). Voici peu de temps encore, nous n'en connaissions que trois exemplaires. L'exemplaire de la Bibiothèque nationale de France, nanti de sa couverture, retiré de la circulation pour passer une heureuse retraite au château de Sablé-sur-Sarthe ; l'exemplaire de la bibliothèque de l'Arsenal (relié sans couverture si nous nous souvenons bien) ; et la trace d'un exemplaire passé en vente en 1974 sur le célèbre catalogue Les Femmes avant 1960 concocté par Régine Deforges pour la librairie du Palimugre avant qu'elle ne devienne encore plus célèbre que son célèbre catalogue :

rd-femmes-avant-1960.jpg

rd-femmes-avant-1960-roux.jpg

Nulle autre trace. Et nous avons compulsé et dépouillé des milliers de catalogues de ventes aux enchères ou de catalogues de livres anciens à prix marqués. Pendant plus de vingt-cinq ans nous nous sommes demandé la raison de la rareté de cet ouvrage. Nous nous posons toujours cette question mais nous en savons maintenant un peu plus sur son histoire...

Voici très peu de temps, sur un site Internet de vente aux enchères, un quatrième exemplaire sortit de l'ombre. Relié et couverture conservée. Nous parvinmes à nous le procurer. C'est lui qui nous confia un peu de son histoire.

Mais commençons par le commencement.

L'Homme roux, Librairie Illustrée

Ci-dessus, l'exemplaire de la Bibliothèque nationale de France. Son portrait ne fut pas facile à obtenir, oh non ! Il fallut plus de six mois d'insistance de la part des conservateurs et trices de la Bibliothèque, jouant le rôle de truchement pour nous auprès de lui, pour qu'il daigne enfin accepter de quitter provisoirement sa retraite dorée et son statut de châtelain pour un court séjour à Paris, rue de Richelieu, aux fins de portraicturation officielle. Ce n'était pas le studio Harcourt, mais il fut content et rentra bien vite, le cœur léger, dans sa Sarthe d'adoption. Auparavant, je lui demandais son curriculum vitæ :

Les Oubliés - L'Homme roux, nouvelles, Paris, A la Librairie Illustrée, 7, rue du Croissant, 7. In-12 (118 x 180 mm), 292 pages.

Il constitue la première édition en librairie de cet ouvrage. Outre le titre annoncé qui court sur 251 pages, il contient la nouvelle de jeunesse La Fille de neige. Bien qu'aucune date ne ne figure sur la couverture ni sur le corps d'ouvrage, nous pouvons annoncer sans nous tromper qu'il sortit en 1888. Les critiques dans la presse de l'époque et le catalogue de la BNF s'accordent sur ce point.

Que dire de l'éditeur, la Librairie Illustrée ? Peu de choses car nous en savons peu. Il n'est pas même mentionné dans L'Histoire de l'édition française. Il exerça l'essentiel de ses activités dans les années 1880. Une production éclectique et abondante certaines années. 1888, à ce titre, fut une année particulièrement prolifique car nous comptons au catalogue de la BNF pas moins de 102 titres. Entre 8 et 9 titres par mois dont, en février (la presse l'atteste), L'Homme roux. Que se passa-t-il pour que, quelques années plus tard, la production annuelle tombe à près de zéro ? Méventes pour cause de production trop abondante ou mauvais choix éditoriaux ? Délestage des stocks ou dépôt de bilan ? Nous ne saurions le dire sans avoir les archives de la Librairie Illustrée sous les yeux. Toujours est-il qu'à la fin des années 1880 ou au début des années 1890, un certain nombre de titres de la Librairie Illustrée furent rachetés par la Librairie Henry du Parc. Un certain nombre de titres, dont L'Homme roux.

L'Homme roux, Henry du Parc

Nous en connaissons encore moins sur la Librairie Henry du Parc que sur la Librairie Illustrée. Ce n'est pas peu dire. Et si quelque lecteur éclairé en savait plus que nous sur le sujet, nous serions preneur de ses renseignements, s'il acceptait de nous les confier. Ce semble avoir été une officine respectable, pas un simple soldeur, marchand en gros, car elle n'hésita pas à faire imprimer des couvertures de relais pour recouvrir les livres achetés. Car, bien sûr, si elle avait ôté la couverture d'origine pour la remplacer par la sienne, elle avait gardé intact le corps de l'ouvrage. Coutume extrêmement courante dans l'édition à l'époque.

Nous pouvons encore ajouter, grâce à la mention « Tous droits réservés » présente dans le bas de cette couverture, que la Librairie Henry du Parc ne pratiqua pas un simple achat de stock. Elle racheta également les contrats et les droits afférents à ces contrats.

Autre coutume courante à l'époque dans ce type de situation, qui évitait d'avoir à réimprimer la page de titre, on collait une étiquette qui cachait le nom de l'ancien éditeur.

L'Homme roux, page de titre

L'Homme roux, étiquette

Une fiche de libraire d'ancien nous fournit un autre exemple de cette pratique : « COFFIGNON (A.). La corruption à Paris. P., étiquette de la Lib. Henry du Parc collée sur Lib. Illustrée, (1889), in-12, Fx-titre-Titre-401 pp., rel. moderne demi-chagrin rouge, dos à nerfs... 130 euros
Les maisons de tolérance, filles de maison, garnis et débits, brasseries de femmes, le trimard, filles galantes, le demi-monde, les souteneurs, la Police, Saint-Lazare... Sur double page : une carte de répartition des maisons de tolérance par quartier, 4 tableaux statistiques (nombre des brasseries, prostitution réglementée, inscriptions et radiations, les arrestations). Un renfort à une page. Couv. cons. »

Nous en savons donc, maintenant, un peu plus sur l'édition de L'Homme roux. Mais nous attendons encore la personne ou le renseignement livresque qui nous dira pourquoi la quasi totalité de l'édition de de livre semble s'être volatilisée...

 

*
*  *

Pseudonyme de pseudonyme, une mise en abîme ?

La petite dordognotte Marguerite Eymery, montée à Paris, arriva à l'un des sommets de sa carrière littéraire sans trahir son pseudonyme imaginé dans l'enfance : Rachilde. Là, sans doute par amusement, elle choisit de substituer par deux fois à sa signature pseudonymique habituelle un pseudonyme de pseudonyme forgé grâce à un jeu transparent de déplacement de syllabes : Jean de Chilra. Un pseudonyme masculin ? La chose était courante chez les femmes de lettre et les bas-bleus depuis le milieu du siècle et avant. Et d'ailleurs, notre auteur n'avait-elle pas fait imprimer ses premières cartes de visites parisiennes « Rachilde, Homme de Lettres » :

Rachilde, Homme de Lettres
Au verso, un petit mot à Oscar Méténier [coll. CLS].

La première fois sera avec La Princesse des Ténèbres en 1896, année de publication au Mercure de France du jarryque Ubu roi. La Princesse des Ténèbres parut chez Calmann Lévy et non pas aux éditions du Mercure de France malgré le fait que son auteur fût l'épouse du patron, Alfred Vallette. Il faudra qu'elle attende encore un an pour y publier un premier roman : Les hors nature.

La Princesse des Ténèbres

Non publiée aux éditions du Mercure de France mais chroniqueuse des romans dans la revue depuis le n° 2 de 1890, elle ne se priva pas, clin d'œil d'importance, de critiquer son propre roman en mai 1896, lors de sa sortie en librairie :

Il m'arrive, pour terminer cet article, un roman de chez Calmann Lévy, intitulé La Princesse des Ténèbres et signé Jean de Chilra. Je n'aime ni ce volume ni ce pseudonyme... prétentieux. Je crois comprendre ce qu'a désiré l'auteur : conter comment la vie d'une femme peut être en même temps tout le rêve et toute la réalité ; mais il aurait fallu, pour y réussir, ne pas laisser un sujet déborder sur l'autre, c'est-à-dire le rêve empiéter sur la réalité. La chair et le cerveau se tiennent. Or, vers la fin de ce drame obscur le cerveau m'a tout l'air de dévorer la chair, et, bien que cela puisse donner celle dite de poule aux lecteurs, ce n'est pas harmonique, du moins au point de vue de la composition de l'œuvre.
Si l'auteur est un débutant, je lui conseille d'écrire encore cinq ou six romans de ce genre avant de tenter de mettre en équilibre une nouvelle
Princesse des Ténèbres.

Rachilde accusant Jean de Chilra d'être trop cérébrale, on aura tout vu !

Quelques années plus tard, en 1919, après le premier décervelage mondial, Calmann Lévy, avec le même plomb de composition qu'il avait gardé (ou les mêmes clichés mais, tout de même, quelle constance !), procéda à une deuxième édition. Nouvelle couverture, le second pseudonyme fut chassé par le premier qui reprit naturellement sa place dans le haut de la couverture.

La Princesse des Ténèbres

La seconde utilisation de Jean de Chira se fera avec L'Heure sexuelle, au Mercure de France, cette fois-ci, en 1898. Rachilde ne manquera pas de rééditer son exploit de la première fois et, dans sa chronique des romans de juin 1898, elle s'autocritiquera. Sa critique, beaucoup plus longue que la première, trois pages serrées, commence ainsi :

L'auteur de ce livre, que je tiens pour un fort honnête garçon, est venu me faire part de ses mésaventures et a cherché, selon son droit, à me prouver, non que son roman était une bonne œuvre, ce que je n'aurais pas cru, mais qu'il n'avait pas absolument tort de l'avoir écrit. [...] Résumons rapidement la petite histoire de ce livre. Premier point : il fut écrit en dix-sept jours. Second point : il n'est pas plus mal écrit qu'un autre. Troisième point : il ressemble à beaucoup d'autres, au moins pour sa conception romanesque [...].

L'Heure sexuelle

Dans cette même chronique, elle critiquait de manière louangeuse L'Amour en visites d'Alfred Jarry qui venait de paraître chez Pierre Fort. Un ouvrage dont elle prétendra avoir écrit un chapitre : La Peur chez l'Amour.

Le mois précédent, dans le numéro de mai 1898 du Mercure de France, le même Alfred Jarry faisait paraître quelques fragments des Gestes et Opinions du docteur Faustroll, pataphysicien dont le chapitre XVI, dédié à Rachilde, s'intitulait : « Des Ténèbres hermétiques, et du roi qui attendait la mort ». La liste des vingt-sept livres pairs du docteur Faustroll ne s'y trouvait pas encore, mais on apprit, grâce à la lecture des manuscrits de l'œuvre, que Jarry y mit successivement, à la 20e place, de Jean de Chilra, La Princesse des Ténèbres puis L'Heure sexuelle.

Le nom de Chilra se trouva au moins jusqu'à la 5e édition (le 5e mille) de L'Heure sexuelle. Ne possédant pas toutes les éditions au Mercure de ce titre, nous ne savons pas à partir de laquelle Rachilde revendiqua la maternité (paternité ?) du titre. Toujours est-il qu'à la 9e, son nom supplante celui de Chilra sur la couverture jaune au caducée.

L'Heure sexuelle

Nous possédons cette 9e édition mais reliée sans couverture, vous devrez, chers potentiels lecteurs, vous contenter de la couverture, passablement insolée de la 12e.

© 2008, CLS
texte revu et mieux illustré en août 2016.

__________

1. Août 2016 : Cette biblio n'est toujours pas revue (ni, a fortiori, sortie). Sera-t-elle revue ? sortira-t-elle un jour ? [note de CLS, dépité]


Date de création : 07/12/2008 @ 00:26
Dernière modification : 18/07/2011 @ 18:19
Catégorie : - Fin-de-Siècle
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