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L'absence de haine conduit parfois à de belles choses. Même quand il s'agit d'une erreur...
Les trois éditeurs. De gauche à droite : Jacques Abeille (Même et autre), Christian Laucou (Éditions du Fourneau), Pierre Laurendeau (Deleatur) le 14 juillet 1982, rue Montault à Angers, chez Pierre Laurendeau.
[Photo © Agnès Jehier, collection cls].
Jacques Abeille, Pierre Laurendeau et moi étions déjà amis depuis un bon bout de temps1 quand, en 1983, Pierre me demanda de concevoir et d'imprimer en typo pour Deleatur un petit livre à partir d'un court texte de Jacques : Fable. J'ai accepté sans la moindre hésitation. Imaginer des livres m'a toujours été un plaisir, multiplié dans ce cas précis par le jeu de l'amitié. Cent exemplaires.
Jacques désirait quelque chose de discret. La composition se fit à l'aide d'une antique (une linéale affirmait M. Vox2) de corps 24, du Simplex, si mes souvenirs sont justes. Les typo-spécialistes bilieux et chafouins objecteront que le corps 24, pour la discrétion, c'est plutôt raté mais ils se tairont quand ils apprendront que j'avais décidé d'imprimer sans encre, rien qu'en défonçant le papier. Du Balkis gris ardoise.
Dans le secret de mon atelier, le livre fut donc composé, imprimé (ou plutôt défoncé), plié et assemblé. J'étais, dois-je l'avouer, assez content de moi. Je gardais un exemplaire par devers moi comme preuve de mon travail et j'envoyais tout le tirage à Angers, chez Deleatur, aux bons soins du big chief Pierre Laurendeau
Quelques jours plus tard, un coup de fil de Pierre. Enthousiaste, j'avance un truc du genre : « Alors, tu les a reçus, tu es content, ça te plait ? » Au ton de la voix de Pierre, je compris que quelque chose clochait. Il me dit que oui, parfait, la maquette lui plaisait, et la réalisation... qu'elle plaisait aussi à Jacques... mais il finit par avouer que j'avais laissé passer une énorme coquille. Au bas d'une page de texte qui se terminait par « de syncope », j'avais imprimé « de sycope ». Mon sourire téléphonique s'était figé. La voix de Pierre au bout du fil oscillait entre le ton grave et compatissant (pour moi) et l'envie de pouffer (pour la situation), d'autant qu'il m'annonça que Jacques avait bien rigolé quand il s'était aperçu de la chose. Je promis bien évidemment, vexé et confus, de réimprimer le feuillet fautif. L'ouvrage se présentait en feuilles, en assemblage de cahiers de quatre pages. Je demandais à Pierre qu'il me renvoie tous les exemplaires du cahier fautif (ne jamais laisser trace d'une erreur derrière soi), ce qu'il fit. Par flemme – pour une fois bien m'en avait pris – je n'avais pas encore redistribué la typo du texte. J'ai ajouté le « n » et j'ai réimprimé.
Le colis de réexpédition de Pierre ne contenait pas que les feuillets fautifs. Il y avait glissé, pour faire bon poids, une vingtaine d'exemplaires d'une fable impromptue, écrite de sa main Le Chat et le Sycope où son ironie et son humour m'avaient choisi comme cible. J'accusais le coup avec un sourire. Un vrai sourire, pas jaune pour deux ronds, mais les choses ne pouvaient pas en rester là. La pile de cahiers fautifs, preuve de mon erreur, traînait dans un coin de mon atelier. Je ne m'étais pas résolu à la jeter. Un cahier retourné, ce qui masquait la faute, me permis de répliquer. Dans tout le livre les textes n'étaient imprimés que sur les rectos des feuillets. Le feuillet attenant à ma page fautive voyait son texte se terminer plus haut que cette dernière. Je pouvais donc couper le cahier en ne gardant que le « de sycope ». J'en fis la couverture de ma réponse que je m'empressais d'écrire. Impromptu pour impromptu.
Je composais en hâte. J'imprimais en hâte, sur un joli vergé blanc, non sans avoir avant vérifié et relu le plomb trois ou quatre fois de suite au cas où une coquille malencontreuse... Pierre et Jacques, comme de juste, furent les premiers destinataires de la chose.
L'ouvrage fut cousu à l'aide d'un fil de lin rouge au bout duquel je nouais une perle. Il est de règle, c'est bien connu que, tout comme les fables recèlent une moralité, les coquilles révèlent des perles...
CLS
novembre 2010.
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1. Aux dernières nouvelles, nous le sommes toujours...
2. Lire : Monsieur Vox, et non Maximilien.
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George Auriol
sur l'ultime création
de M. Pullmann
20 pages,
format 11,2 x 13 cm.
tirage à 100 exemplaires en typographie.
CLS
Un volumen,
79 cm de long, 17,5 cm de haut.
tirage à 10 exemplaires en linogravure.
Marie-Rose de France
26 petits textes en proses poétique. Vignettes de CLS.
tirage à 120 exemplaires en typographie au plomb.
Pierre Pinelli
24 pages,
format 15 x 20 cm.
tirage à 100 exemplaires en typographie au plomb.
... pour ceux qui auraient la flemme de chercher.
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